Au cœur de la ville universitaire d’Oxford, une scène surréaliste attire l’œil des passants : un requin géant de 7,5 mètres semble avoir plongé tête la première dans le toit d’une maison victorienne. Cette sculpture devenue légendaire raconte une histoire fascinante, mêlant art, politique et résistance citoyenne au cœur des années 80.
La naissance d’une légende urbaine
Le matin du 9 août 1986, les habitants de Headington ont découvert avec stupéfaction qu’un requin géant s’était « écrasé » sur le toit du 2 New High Street. Cette apparition spectaculaire n’était pas le fruit du hasard : le sculpteur John Buckley avait travaillé dans le plus grand secret pour installer cette œuvre commandée par Bill Heine, un animateur radio local connu pour son franc-parler et son engagement politique.
Le requin, fabriqué en fibre de verre et peint dans des tons de gris-bleu réalistes, pèse près de 200 kg. Sa réalisation a nécessité plusieurs mois de travail minutieux. L’équipe d’installation a dû opérer de nuit pour créer la surprise totale au petit matin. Une anecdote raconte que certains voisins, réveillés par le bruit des travaux, ont cru à une blague étudiante typique d’Oxford… avant de réaliser que le requin était là pour rester.
Un symbole de résistance contre l’arme atomique
La date d’installation n’avait rien d’aléatoire : ce 9 août marquait le 41e anniversaire du bombardement de Nagasaki. Le choix d’un requin plongeant évoquait délibérément la forme d’une ogive nucléaire, mais sa position absurde – tête en bas dans un toit – transformait ce symbole de mort en une critique satirique de la course aux armements.
Bill Heine expliquait souvent que l’idée lui était venue après la catastrophe de Tchernobyl. Les images des évacuations, des villes fantômes et des conséquences sanitaires l’avaient profondément marqué. « Si un requin peut s’écraser sur un toit d’Oxford, alors une bombe nucléaire peut tomber n’importe où », répétait-il lors de ses émissions de radio.
@daysoutinlondon In a quiet street in Headington near Oxford you might be surprised to see ‘the Shark House’. An otherwise ordinary house has been transformed with a 25ft long sculpture of a shark crashing through the roof. It’s an art installation by John Buckley as a protest against war. Fancy staying there? It sleeps 10 guests and you can rent it on Air B&B for up to £750 a night. Tag someone who’d like to see this. #uktravel #uk #ukbucketlist #visitbritain #secretoxford #lovetotravel #visituk #oxford #visitoxford #ukhiddengems #airbnb #travel #travelgram #ukstaycation #ukshots #secret #londondaytrip #londontravel #dayoutfromlondon #daysoutwithkids #daysoutwithkidsuk #londontravels #londontravelblogger #shark #sharkhouse ♬ original sound – Days out in London
Une bataille administrative qui passionne l’Angleterre
La saga du requin de Headington a rapidement dépassé les frontières d’Oxford. Le conseil municipal a immédiatement exigé son retrait, évoquant l’absence de permis de construire et des questions de sécurité. Mais c’était sans compter sur la détermination de Bill Heine et le soutien grandissant de la population.
Les médias nationaux se sont emparés de l’histoire. Le Times et le Guardian ont publié des articles réguliers sur ce qu’ils appelaient « la guerre du requin ». Des experts en architecture et en art urbain sont intervenus dans le débat, soulignant la valeur artistique de l’œuvre. Même des personnalités comme Rowan Atkinson, habitant d’Oxford à l’époque, ont pris position en faveur du maintien de la sculpture.
La victoire de l’art sur la bureaucratie
Après six années de procédures, en 1992, l’inspecteur de l’urbanisme Peter Macdonald a rendu un verdict qui est entré dans l’histoire de l’art public britannique. Il a déclaré que le requin avait « son propre charme et caractère » et qu’il ne portait pas atteinte au caractère du quartier. Cette décision a créé un précédent juridique pour la protection des œuvres d’art urbain au Royaume-Uni.
Un héritage vivant qui traverse les générations
En 2016, Magnus Hanson-Heine, le fils de Bill, a racheté la maison pour préserver l’héritage de son père. Il a entrepris une restauration complète du requin, faisant appel à des spécialistes de la conservation d’art contemporain. Les écailles ont été repeintes, la structure renforcée, tout en préservant l’aspect originel voulu par John Buckley.
Une attraction qui ne cesse de surprendre
Aujourd’hui, le requin de Headington attire des visiteurs du monde entier. Les guides touristiques d’Oxford l’ont intégré à leurs circuits, les photographes viennent capturer son image sous tous les angles, et les réseaux sociaux regorgent de selfies pris devant cette installation unique.
Les habitants du quartier ont développé un attachement particulier pour leur requin. Il sert de point de repère – « Je vis près du requin » est devenu une indication géographique courante à Oxford. Les commerçants locaux ont même créé des produits dérivés : cartes postales, t-shirts, et même une bière artisanale nommée « Shark Attack ».
Pour visiter ce monument improbable, rendez-vous à environ 3 kilomètres du centre d’Oxford. Le requin est visible gratuitement à toute heure, mais les photographes amateurs préfèrent souvent la lumière dorée du matin ou du soir qui donne à la scène une dimension presque magique. N’hésitez pas à prendre le temps d’observer les détails : la position du requin, l’expression figée de son visage, et la façon dont il semble défier les lois de la gravité nous rappellent que l’art peut transformer le quotidien en quelque chose d’extraordinaire.
A retenir
- Le choix d’un requin plongeant évoquait délibérément la forme d’une ogive nucléaire, mais sa position absurde – tête en bas dans un toit – transformait ce symbole de mort en une critique satirique de la course aux armements.
- Le conseil municipal a immédiatement exigé son retrait, évoquant l’absence de permis de construire et des questions de sécurité.
- Après six années de procédures, en 1992, l’inspecteur de l’urbanisme Peter Macdonald a rendu un verdict qui est entré dans l’histoire de l’art public britannique.